Lorsque la recommandation sociale restructure Internet
Transhumance.
Illustration laissée en libre interpretation.
L'utilisation des réseaux sociaux est en train de réorganiser Internet: en augmentant les usages, et probablement en appauvrissant la diversité des contenus exposés.
L'utilisation des réseaux sociaux est en train de réorganiser Internet: en augmentant les usages, et probablement en appauvrissant la diversité des contenus exposés.
Les 3 grandes évolution dans la structuration du web
Au commencement du réseau, Internet était organisé selon la hiérarchie des annuaires: on accède aux contenus et services en descendant dans une arborescence contrainte par leurs éditeurs.
Puis les moteurs de recherche sont arrivés et ont permis un accès par mot clé, démultipliant les dimensions de recherche en réduisant dramatiquement les temps d'accès. On peut penser que l'histoire s'arrête là et que les moteurs de recherche seront seuls à organiser l'information du web. "organize the world's information" est d'ailleurs la mission de Google. Mais si nous avons besoin de chercher activement de l'information, la quantité d'information que l'on cherche n'est rien à coté de celle que l'on consomme de manière passive parcequ'elle nous est amenée. Lorsque le rapport interet/effort est important, on a tendance à poursuivre sa consomation d'information.
C'est justement une des forces et une raison du succès de Facebook, Twitter (ce dernier est loin d'être un succès en France, mais marche très bien aux US), et l'ensemble des outils de recommandation sociale. Ce qui nous est recommandé par des gens que l'on connait a de forte chance de capter notre attention. On peut voir dans ces outils une nouvelle forme d'organisation du web: une structuration personnalisée de l'accès au travers des personnes auxquelles chacun est connecté. Lorsque l'on regarde internet au travers de ce filtre, on ne voit au premier niveau d'accès que les recommandations qui sont faites par nos contacts directes. C'est un mode de diffusion en Peer to Peer. Et parceque nous avons tous un réseau de contacts différents, chacun voit un Internet personnalisé différent autour de lui.
L'ère du web "en affinité" ou "personnalisé" grâce à la recommandation sociale
Cette nouvelle structuration amène beaucoup d'avantages et d'opportunités pour les utilisateurs comme pour les sociétés:
Une adhésion plus forte
La première conséquence est une augmentation remarquable du niveau d'interêt que l'on porte au service et contenu consommé, grace aux recommandations qui nous sont faites de la part de gens que l'on connait. Cela se mesure: la qualité du trafic généré par Facebook est plus de 2 fois supérieure (temps passé, taux de rebond) au trafic généré par Google. Ce qui signifie que les liens recommandés sont plus pertinents que ceux trouvés via Google.
Une consommation accrue
Pour "vivre" dans un réseau social, il faut laisser des traces de son activité. Chacun devient alors une source de recommandations pour les autres. Rapidement, la quantité d'information recommandée dépasse notre capacité de consommation. Cela se traduit par une augmentation très conséquente du temps passé sur Internet. Globalement, la "consommation d"internet" par personne va s'accroitre rapidement, probablement beaucoup plus rapidement que ce que nous connaissions jusqu'à maintenant pour cette raison. Le cercle est totalement vertueux pour les utilisateurs comme pour l'économie online. Les perdants sont les canaux offline.
La fin de l'hégémonie des moteurs de recherche
Si Google poursuit sa progression, il n'est plus la seule porte d'entrée du web. D'ailleurs Facebook fait parti des rares sites d'accès direct à 100%, et il est devenu un très gros apporteur de traffic pour l'écosystème. On parle d'ailleurs de SMO (social média optimization) en complément du SEO (search engine optimization).
Domaine |
Trafic en provenance de Facebook |
Trafic en provenance de Twitter |
Trafic en provenance des moteurs de recherche |
Myspace | 14% | 1,6% | 15% |
LeMonde | 6,6% | négligeable | 20% |
Blogger | 5,22% | 1,27% | 24% |
Wordpress | 6,52% | 1,96% | 40% |
Overblog | 4,2% | négligeable | 41% |
Les chiffres ci-dessus proviennent d'Alexa.com. La justesse d'Alexa est discutable en absolue, mais fiable en relatif.
LeMonde et Overblog ont un trafic presque exclusivement Français. Les autres plateformes sont internationales, centrées sur les USA, et représentent bien la tendance à venir en France.
De mémoire, les chiffres étaient deux fois moins élevés pour Facebook il y a 1 an.
Je suis persuadé que dans 2 ans, les moteurs de recherche seront globalement une source secondaire de trafic. Pour autant, celà ne signifie pas que Google va arréter de grossir, au contraire. Mais sa situation de monopole va s'estomper sur son activité moteur de recherche. Et pour une raison que j'évoque ici, il serait logique que Facebook devienne rapidement chalenger sur le marché de la vente de trafic.
Quelle est la meilleure source de diversité? Le moteur de recherche ou le réseau social?
Une question me semble importante: celle de la diversité. Un moteur comme Google a ses défauts, et en particulier il a celui de privilégier des sites, des portails et des plateformes qui possèdent un important volume de contenu et savent optimiser leur architecture pour permettre à Google de les indexer facilement. Le simple exemple de wikipedia suffira à convaincre tout le monde. Je ne vais pas m'en plaindre, puisque les blogs hébergés par Overblog profitent de cette concentration, mais cette selection n'est pas en relation avec la nature même des contenus, ni de leur pertinence, ni de leur qualité.
Certains contenus, qui ne sont pas exposés par les moteurs, ne mériteraient ils pas d'être plus visibles? Est-ce que les réseaux sociaux leur apportent cette exposition en augmentant la diversité des contenus et services consommés?
J'ai le mauvais sentiment que sur cette question, l'utilisation des réseaux sociaux va plutôt participer à réduire la diversité. C'est le revers de la médaille.
L'étape suivante
Je pense que la prochaine étape importante sur Internet consiste à rapprocher le "search" et de la recommandation social. C'est le social search. Pour tous les sujets qui impliquent le profil et les goûts d'un utilisateur, les moteurs de recherche classiques ne sont pas adaptés, et les contacts que l'on a dans son réseau sont rarement suffisants pour répondre aux questions que l'on se pose.
Par exemple, si vous cherchez un "film d'aventure", un "album de jazz", un "restaurant à Paris 12", un "concert ce soir", un moteur comme Google ne vous donnera rien de pertinent, ou plus exactement rien d'instantané comme il le fait pour des définitions. La preuve en est que la réponse à l'une de ces requêtes est la même pour tous les utilisateurs.
De la même façon, un réseau de 150 contacts (c'est la moyenne sur Facebook) ne sera pas suffisant pour couvrir les demandes précises que l'on peut avoir. Alors traiter les données issues des contributions d'utilisateur pour en faire un "moteur social" est la réponse à ce problème. C'est ce qu'ont commencé à faire Amazon sur les livres, Netflix pour les films, LastFM pour la musique, etc...
C'est évidemment cette conviction très forte qui me pousse à travailler sur le sujet au travers de Nomao pour ce qui touche à la recherche locale.